Brandir fièrement une épée, vaincre les monstres et autres démons imaginaires comme dans les films traditionnels de fantasy… C’est le rêve de tout enfant. J’avais, il y a de ça une trentaine d’années en arrière (aucun commentaire, je vous prie), confectionné, que dis-je, crafté, à l’aide de carton et de chatterton, une épée avec laquelle j’essayais de terrasser le faux monstre qu’était mon grand frère. Comme j’étais heureux. Jusqu’au jour où il s’était forgé, derrière mon dos, une véritable hache à double tranchant, tout en bois, qui a laissé autant dans mon crâne que dans mes bras quelques souvenirs douloureux. Pas évident de se prendre pour Conan le Barbare alors que son frangin est plus du genre Connard le Barbant.
Heureusement que le jeu vidéo est là pour combler certains manquements psychologiques voire affectifs quant au véritable développement de soi. Même dans le fantasme, au premier sens du terme. Ainsi beaucoup de jeux naquirent dans l’optique de vous faire vivre des expériences inoubliables, et, la technologie aidant, y parvinrent avec plus ou moins de succès. S’agissant du RPG mâtiné de fantasy, la série des Elder Scrolls sur PC a redéfinit le modèle du genre. N’ayons point peur des mots, les Studios Crescent Moon Games nous offrent, avec leur Ravensword : Shadowlands 3D RPG (sic !), un jeu dans le même esprit. Mais avoir de l’esprit n’est pas toujours signe de qualité, et cela ne fait pas tout. Ne dit-on pas qu’une belle épée n’est pas nécessairement la plus efficace pour tailler dans le gras de vos ennemis ?
De l’épiquocurisme…
Je me réveillais. Lentement. Avec un mal de crâne à faire frémir n’importe quel démon. Tout était si brumeux. Une bataille. Des morts. Et une explosion. De biens maigres souvenirs que ne parvenaient pas à illuminer les rayons du soleil s’infiltrant avec majesté au travers des fenêtres. Mes yeux demeuraient encore lourds, mais je parvins à voir mon environnement au bout de quelques instants. Une maison, un lit, et un homme qui se tenait à mes côtés. J’étais le survivant d’une bataille. Le seul et unique survivant, d’après ces dires. Il avait une tête de bienfaiteur, mais une sale tête tout de même, déformée par l’inquiétude.
Mes premiers pas, en dehors du lit, furent hasardeux. Il m’expliqua brièvement où je me trouvais, et m’offrit, en plus de son hospitalité, une modeste armure ainsi qu’une tout aussi modeste épée. Je compris alors que mon destin serait intimement lié à celui du combattant de naguère. En outre, grâce à quelques explications bienvenues, il m’affirma que je pourrais aisément trouver les réponses aux questions existentielles que je me posais, auprès d’un mage résidant à l’écart de la noble cité.
Je fis ainsi mes premiers pas dans la ville. Des pas fatigués certes, mais des pas nécessaires, tant ils me permirent de prendre conscience de la beauté qui m’entourait. Bien sûr, l’architecture de celle-ci n’avait rien de grandiose, mais il était fort plaisant de marcher, enfin, sur un sol non déformé par l’odeur des combats. Je me sentis vite à mon aise, et, malgré ma timidité, j’en vis rapidement à parler aux badauds qui traînaillaient sur les chemins. Peu causants, ils restèrent stoïques pour la plupart. Même les quelques marchands qui essayaient de me vendre leurs merveilles à prix d’or. Pris alors dans un tourbillon de solitude, je pris la direction de l’Est, en passant sous l’immense arcane que formait une porte en bois.
Les pierres de la cité ne me manquèrent point. Qu’il était bon de ressentir enfin la beauté de la nature représentée par cette forêt qui s’ouvrait à moi. Une forêt un peu grossière, mais qui semblait s’étendre bien au delà de ma vision. Un délice de luminosité. Pourtant, comme n’importe quel délice rétinien, il fut interrompu. Par l’irruption de plusieurs rats de taille fort respectable. Voilà qui était parfait pour me remettre en jambes et en bras. Je fus hésitant, néanmoins, et, rapidement, les réflexes prirent le relais. J’abattis alors plusieurs cibles d’affilée. Au fur et à mesure, je me sentis plus fort, maîtrisant de mieux en mieux mon arme, me sentant plus à l’aise dans mon armure. Je sentais mes muscles gonfler à chacun de mes coups. Et cette sensation m’était délectable. Même si je manquais cruellement de précision dans chaque estoc pourfendu.
J’éprouvais un envie profond de continuer à dépecer ces sales bestiaux de leur vie, mais mon esprit se focalisa, à la vue de la demeure du mage, sur mon objectif premier. La maison était petite, carrée, sans grande envergure. Je ne pris point la peine de frapper avant d’entrer, ma mémoire ayant sans doute altéré mes maigres notions de politesse barbare. Tout était vide. Du moins le pensais-je au début, car l’apprenti du mage, après une mauvaise utilisation des arcanes, s’était retrouvé enfermé dans une bouteille. Quelle ironie ! Il avait besoin de mon aide. De mes talents. J’acceptai son offre en échange d’informations et d’une lettre qui me permettrai de rencontrer son maître en personne afin d’en savoir plus sur ce monde, sur moi-même.
En sortant de chez lui, j’aspirai autant l’air qu’à devenir quelqu’un. Quelqu’un d’autre. L’ancien héros qui sommeillait en moi tel un enfant dormant sous les berceuses des Dieux. Je plaquai alors ma lame contre mon corps afin de la faire définitivement mienne, froide et légère, comme le vent qui s’engouffrait dans ma tignasse noire et qui m’appelait au lointain…
Ravensword : Shadowlands vous invite au voyage, comme j’ai essayé de vous le démonter, avec la narration, au travers de ces quelques lignes, premiers pas d’une aventure qui s’avéra classique, mais agréable. Très inspiré par les Elders Scrolls, les deux derniers notamment (graphiquement et artistiquement parlant), il offre une certaine liberté au joueur d’évoluer dans ce monde inconnu. Certes, il a des défauts, notamment une maniabilité dans les combats loin d’être optimales, la nécessité d’avoir un terminal récent ainsi que puissant (sur un Tegra 3, cela dépote pas mal), un scénario bien éloigné des ténors du genre. Néanmoins, il offre de très bons moments grâce à son monde ouvert, aux grands espaces, aux graphismes généreux, et à sa possibilité d’orienter son personnage comme on le désire. Disponible en anglais (non sous-titré, je tenais à le préciser), au prix de 5.99 euros, les fanas du genre en auront pour leur argent. Concernant les autres, attendez une solde éventuelle avant de vous lancer (de hache, bien entendu).
- Réalisation réussie
- Musiques agréables
- Exploration intéressante
- Ambiance générale
- Maniabilité dans les combats
- Scénario planplan
- Un peu court (terminé en 11 heures environ)